ZAD de Notre Dame des Landes #1
Le mouvement d’opposition au projet d’aéroport du Grand-Ouest au nord de Nantes vit certainement ses dernières heures. Difficile d’en douter. Quoique… La mobilisation sur place, vue d’ici (Paris, un écran d’ordinateur) force le respect, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais qu’est-ce qui motive tant ces gens ? Où trouvent-ils la force de ? Cette résilience ? Comment entretiennent-ils l’espoir de la victoire, après tant d’années ? N’ont-ils pas froid, l’hiver, dans leurs cabanes, les pieds dans la glaise glaciale ? Des questions bien naïves de citadin bien au chaud, certainement. Faut-il que ce soit une vocation, une culture familiale, d’être militant ? Est-ce un mode de vie, tout simplement, en fin de compte ? Voilà les premières questions que je me pose en rendant sur la « zone de combat ». Sur cette zone d’un autre monde impossible.
Pourtant au Larzac, les activistes, ils ont gagné. Ces deux luttes ont tout de proches cousines. Nées à la même époque en plus, il y a une quarantaine d’années. Où s’arrêtent les similitudes, où commencent les différences ? Mais surtout, pourquoi la mayonnaise ne prend pas à Notre Dame des Landes ? Ou semble ne pas prendre ? « A première vue, l’affaire Notre Dame des Landes ressemble à un Larzac qui n’aurait pas trouvé son José Bové » (Rue 89, Sophie Verney-Caillat).
Est-ce l’époque qui a tant changé ? Pourtant dans les années 1970 le Progrès, comme on disait, avait encore bonne réputation et recevait l’aval sans discussion de la population dans sa grande majorité. On l’applaudissait. Il n’était pas tant synonyme, comme aujourd’hui, de destruction environnementale et de libéralisme odieux. Alors qu’aujourd’hui…
Toutes les causes s’y sont données rendez-vous. Comme au Larzac. « À travers elle (la ZAD), nous combattons l’alimentation sous perfusion, la société industrielle et son réchauffement climatique, les politiques de développement économique et de contrôle du territoire, les métropoles et la normalisation des formes de vie, la privatisation du commun, le mythe de la croissance et l’illusion de participation démocratique… ». Rien que ça ! Et là aussi s’agglomère une foule hétéroclite, livrant une guerre d’usure contre la logique développementiste. Une population que l’on ne peut, de ce qu’on peut lire ici et là, résumer à un groupe de rebelles anarcho-autonomes ou à une mouvance verte radicale et intolérante.
J’ai donc décidé de me rendre sur place. Aller voir et comprendre ce que je peux par moi-même, par la grâce du terrain. J’ai aussi en tête, bien entendu, une carotte photographique. Continuer mon projet « Colères », à l’origine une série des militants et révolutionnaires des insurrections arabes de 2011. Et qu’il me paraît logique de continuer sur d’autres terrains de foi activiste. D’autres combats.
Plusieurs dates proches sont annoncées sur le calendrier. Ce « on ne lâche rien » des « zadistes » semble être bâti en béton armé, si vous me passez cette expression. Voyez les prochaines réjouissances : « Au-delà d’une manifestation, il s’agit avant tout d’une action collective qui gagnera en puissance avec une présence longue et active du plus grand nombre. Prévoyez d’être là pendant le week-end et plus si possible pour amorcer l’occupation, continuer les constructions, les défendre, et en faire émerger des idées pour la suite. Amenez des outils et matériaux divers et variés, des bleus de travail, du son, des créations loufoques, des radios portatives, des tartes à partager et une détermination sans faille. En vue du 17 novembre, on cherche des poutres, matériaux de construction et d’escalade, cuisines collectives, chapiteaux, musiciens, batukadas, cabanes en kit, outils, tracteurs…».